La filière canne-sucre:
Dans les années 70, l'Europe a mis en place une organisation commune de marché (OCM) pour le sucre, appelée encore "régime" ou "Règlement sucre", qui permet de fournir au consommateur et à l'industrie utilisatrice de sucre un approvisionnement constant en sucre de haute qualité. Le Règlement sucre est discuté et reconduit tous les 5 ans. L’Organisation Commune du marché du Sucre (OCM Sucre) a été profondément réformée en 2006.
Trois impératifs ont présidé à cette réforme : intégrer les principes de la nouvelle PAC (Politique Agricole Commune) dans l’OCM Sucre, tenir compte de l’ouverture accrue du marché européen résultant d’engagements pris par l’U.E. auprès de pays en développement et appliquer une décision de l’OMC obligeant l’UE à réduire ses exportations de sucre.
La politique sucrière européenne a été ainsi réorientée avec pour objectif une meilleure efficience économique de la production de sucre, en la concentrant dans les zones les plus productives.
Le Règlement Sucre, qui a mis en oeuvre cette réforme, est basé essentiellement sur les éléments suivants :
- réduction des prix du sucre et de la betterave,
- abandon de quota de production de sucre dans le cadre d’un fonds de restructuration,
- suppression progressive des soutiens à l’exportation.
Bien qu’étant l’une des plus compétitives en Europe, la France sucrière a participé à cet effort de réduction de production imposé par la réglementation européenne. Elle a ainsi dû fermer cinq sucreries sur trente à la fin de la campagne 2007/08. Parallèlement, l’U.E. a ouvert le marché européen du sucre à des volumes croissants d’importations préférentielles.
En 2012-2013, les conditions d’importation sont les suivantes :
- Ouverture totale du marché, sans droits de douane ni restrictions quantitatives, au sucre originaire des Pays les Moins Avancés, dans le cadre de l’initiative « Tout Sauf les Armes » ;
- Ouverture total du marché, sans droits de douane ni restrictions quantitatives, au sucre originaire des pays de la zone ACP, dans le cadre des Accords de Partenariat Economiques conclus entre l’UE et ces pays, avec application d’un seuil de sauvegarde global de 3,5 millions tonnes ;
- Importation à droit nul, dans la limite d’un contingent de 380 000 tonnes, du sucre originaire des Balkans occidentaux (Serbie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Albanie, la République de Macédoine) ; et dans la limite d’un contingent de 34 000 tonnes du sucre originaire de Moldavie ;
- Importations à droit réduit, dans la limite d’un contingent total de 677 000 tonnes, du sucre originaire de pays tiers (Brésil, Australie, Cuba, Inde et autres).
Par ailleurs, l’UE peut décider d’ouvrir un contingent d’importation de sucre industriel destiné à des usages non alimentaires, en fonction de la situation du marché. Un contingent de 400 000 tonnes a été ouvert chaque année depuis 2008-2009.
En 2011-2012, l’UE a importé au total 3,5 millions tonnes de sucre en l’état,
alors qu’elle en exportait entre 4 et 6 millions tonnes avant 2006. Soit en 10 ans, un déséquilibre de près de 10 millions de tonnes!
Depuis la réforme de son régime sucrier en 2006, l’UE figure, sur une base régulière, parmi les deux premiers importateurs mondiaux de sucre.
La France est le 1er producteur de sucre blanc de l’Union Européenne, avec plus de 26 % de la production, devant l’Allemagne. Elle est également le premier producteur mondial de sucre de betterave devant les Etats-Unis. Acteur majeur de la production sucrière européenne et mondiale, la France a produit, au cours de la campagne sucrière de 2012-2013, 4,5 millions de tonnes de sucre dans les 25 sucreries implantées en métropole (sucre de betterave) et 262 000 tonnes de sucre dans les 5 sucreries des départements d’Outre-Mer (sucre de canne) pour la campagne 2011-2012.
Avec des rendements betteraviers et sucriers parmi les meilleurs dans le monde, l'Union Européenne a produit 18 millions de tonnes de sucre en 2011-2012. Aujourd’hui, l’industrie sucrière européenne est un secteur moderne, performant et indispensable pour les consommateurs européens. Elle n’a cessé, au cours des dernières années, d’améliorer sa compétence et la qualité de ses produits vis-à-vis des attentes des consommateurs.
Plante des régions tempérées, la betterave sucrière se cultive principalement dans l’hémisphère nord, ainsi qu’au Chili. En France, les zones de culture se situent principalement au nord de la Loire. En 30 ans, la production de betterave est passée de 56 tonnes à l’hectare à 86 tonnes pour la campagne 2012-2013 (estimation). Ces dernières années, on a produit en moyenne en France 13 tonnes de sucre par hectare de betterave. Pour la campagne 2012-2013, la richesse moyenne en sucre de betterave était de 18,1%, avec des rendements en betteraves à 16°S de 86 tonnes en moyenne par hectare.
La France est le seul pays de l’Union Européenne, avec l’Espagne, à produire la canne à sucre. L’industrie française du sucre de canne est localisée dans 3 départements d’Outre-mer : la Réunion dans l’Océan Indien, la Guadeloupe et la Martinique aux Antilles. Cultivée de manière traditionnelle, la canne est destinée à la fabrication de sucre roux, mais également de rhum. En 2011, le rendement moyen de la canne à sucre en Guadeloupe était de 66 tonnes à l’hectare, il avoisinait les 51 tonnes à l’hectare en Martinique et les 75 tonnes à l’hectare à la Réunion ; la richesse moyenne en sucre de canne était de 13,6 %.
En moyenne, une tonne de betterave fournit environ 160 kilos de sucre, contre 115 kilos pour une tonne de canne à sucre. En réalité, ces chiffres varient selon différents facteurs : la variété de la plante, la nature et la richesse des sols, les techniques culturales, la pluviométrie, les éventuels maladies ou parasites, et bien sûr les conditions climatiques, tout comme le temps de stockage des cannes coupées.
La culture betteravière occupe plus d’un département sur 3 en France avec 28 départements, essentiellement situés au nord de la Loire. En 2012-2013, 26 000 planteurs de betteraves ont cultivé 385 500 hectares.
La culture de la canne à sucre est localisée principalement à la Réunion, mais également en Guadeloupe, à la Martinique et en Guyane.
Elle s’étend sur 43 000 hectares sur les 4 départements d’outre-mer français :
- 24 746 ha à la Réunion
- 3 906 ha en Martinique
- 13 819 ha en Guadeloupe
- 140 ha en Guyane
L'industrie sucrière constitue une branche importante de l'industrie agroalimentaire en raison, d'une part de son poids économique spécifique et, d'autre part du fait que le sucre constitue une matière première pour de nombreuses autres branches. Un secteur majeur en France : bien que ne représentant que 0,6 % du total des entreprises agroalimentaires et 2,4 % des effectifs moyens, la filière réalise 3,3 % du chiffre d'affaires net des IAA et 4,7 % des exportations agroalimentaires [Données 2010] ; les exportations françaises vers les pays tiers et les expéditions vers les pays de l'UE sont proches de 2,125 millions de tonnes en 2012-2013. Sur une production de 4,5 millions de tonnes, les exportations vers les pays tiers et les expéditions vers les pays de l’U.E.vont représenter le moitié de la production.
L'activité sucrière se caractérise par un taux de valeur ajoutée élevé. A ce titre, la filière betterave-sucre emploie 44 500 personnes toutes productions confondues en France et génère un chiffre d’affaires de 3,45 milliards d’euros. En 2012, 25 sucreries de la métropole ont travaillé essentiellement en période de campagne sucrière. Le reste de l’année, les permanents ont travaillé à la maintenance et à la modernisation des sites.
Le monde sucrier représente 30 millions d’hectares cultivés (comprenant la canne à sucre et la betterave) dans 119 pays.
L'Inde, berceau de la canne à sucre, est un des premiers producteurs mondiaux du sucre dans le monde ; elle produit traditionnellement le "gur", sucre artisanal obtenu par concentration du jus entier de canne à feu nu.
La production de ce sucre dépasse en Inde, les 8 millions de tonnes auxquelles il faut ajouter 1 million de tonnes de "khansari", sucre artisanal produit selon le même procédé, mais avec cristallisation.
Si l'on ajoute à ces sucres la production de sucre industriel, qui représente près de 15 millions de tonnes, l'Inde est le plus important producteur de sucre du monde.
Depuis les années 1930, elle s'inscrit dans le cadre d'une politique d'autosuffisance affirmée, en dépit d'une production irrégulière compte tenu des aléas climatiques.
Par ailleurs, il existe un autre sucre artisanal fabriqué en Amérique Latine : la "panela". Ce sucre sud-américain est un sucre de canne non raffiné qui se présente sous forme de briques d'une belle couleur miel foncé (ou encore de palets de tailles diverses, souvent emballés dans des feuilles de bananiers). Ce sucre est très odorant. Son pouvoir sucrant est plus faible que celui du sucre industriel, mais il est accompagné d'essences subtiles.
Ailleurs dans le monde, des arabes et asiatiques nomades et sédentaires se servent aussi des pains de sucre - et non du sucre cristallisé - , facile à transporter, car ils ne subissent pas de "mottage" sinon qu'avec le temps.
Afin de déterminer la qualité du sucre, tous les pays s'engagent à respecter des critères analytiques portant sur la pureté d'un sucre, l'aspect ou le type de couleur, la coloration en solution et la teneur en cendres.
La pureté d'un sucre, s'apprécie par une mesure de polarisation qui s'évalue en degré sucre ou °Z, qui indique la teneur en saccharose pur. Aussi, la qualité du sucre est-elle évaluée au plan international par polarimétrie, et exprimée en °Z (zucker).
Le sucre brut (ou roux) titre moins de 99,5 °Z tandis que le sucre blanc titre plus de 99,5 °Z [Méthode d'analyse ICUMSA* GS 2/3-1 (1994)]. Pour être étiqueté "sucre blanc", la polarisation d'un sucre doit être supérieure à 99,5 °Z !
La communauté européenne utilise trois autres critères supplémentaires pour déterminer la qualité d'un sucre : le type de couleur, la coloration en solution et la teneur en cendres. Toutes ces qualités sont mesurées selon des méthodes d'analyse très précises et permettent de classer le sucre blanc en quatre catégories.
Sachez qu'un quart environ du sucre de betterave produit en France rentre dans la catégorie 1 (la plus haute qualité); les trois autres quarts en catégorie 2. Cela signifie que le sucre de betterave français contient plus de 99,7 % de saccharose pur.
*ICUMSA (Commission internationale pour l'Uniformisation des Méthodes d'Analyses sucrières) est un organisme mondial qui rassemble les activités des Comités nationaux pour les analyses sucrières dans plus de trente pays membres.
Dossier spécial TEMOIGNAGES 2014
Quelle menace sur la filière canne-sucre? (PDF)
Le 21 mai 2014, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, l’État a affirmé travailler sur la protection du sucre roux dans les négociations européennes.
Le représentant des parlementaires socialistes d’Outre-mer, Jean-Claude Fruteau a interpellé George Pau-Langevin, ministre des Outre-Mer sur les négociations autour des quotas sucriers et notamment du sucre roux, secteur sur lequel le marché réunionnais s’était positionné.
L’État a assuré avoir pris la décision de demander à l’Union européenne de retirer le sucre roux des négociations sur le libre-échange. Le syndicat du sucre se déclare soulagé même s’il s’agit d’une première étape.
Mais la Confédération des planteurs et des éleveurs de La Réunion n’y croit pas. Pour eux, l’Europe ne pourra pas protéger ce produit cher à l’économie de l’île.
Jean-Claude Fruteau a demandé à la ministre des Outre-Mer ce que l’État comptait faire pour soutenir la filière des sucriers, plus de 18 000 emplois.
"L’ensemble des acteurs sont inquiets", lance Jean-Claude Fruteau dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, faisant référence à la "fin programmée des quotas de sucre en octobre 2017." Pour lui, c’est "une sérieuse menace pour la survie de la filière et la pérennité de son modèle social."
Le député socialiste a rappelé que le marché européen avait "permis le développement de la filière canne, sucre, rhum, bagasse dans les départements d’outre-mer. Aujourd’hui, celle-ci produit plus de 260 000 tonnes de sucre et représente, à La Réunion, 18 300 emplois directs et indirects, soit plus de 13 % des emplois du secteur privé."
Mais il signale que l’Europe se tournait vers des pays faisant concurrence aux départements d’Outre-Mer comme La Réunion : "la Commission européenne négocie des accords de libre-échange avec de nombreux pays producteurs de sucres roux."
Ce à quoi George Pau-Langevin a répondu : "Je tiens à rappeler devant la représentation nationale l’engagement de l’État à accompagner la filière dans les années à venir. Nous avons déjà pu prendre une décision qui rejoint l’une de vos principales propositions, à savoir que le Gouvernement demandera à la Commission européenne l’exclusion du sucre roux de canne des prochains mandats de négociation".
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